Les Toiles Rouges Bruegel
/ Now is gone
Avec « Now Is Gone », Chris Pillot réinterprète la notion de temps
Partant de l’idée que « ce que nous faisons est filtré par ce que nous sommes chacun », l’artiste aborde la notion de temps à travers des images intuitives construites par l’espace.
Sa démarche, improvisée mais minutieuse, se déroule avec maitrise et savoir-faire. A main levée, l’artiste trace une ligne horizontale de peinture acrylique noire sur une toile peinte en blanc. Le geste est rigoureux : la pression de la main sur le pinceau ne doit pas faire varier la largeur du trait. Autour de cette ligne noire alors posée, apparaît l’espace blanc qui devient acteur par lui-même. La toile qui, avant ce trait était comme vide, prend un sens nouveau.
Une nouvelle ligne noire succède ensuite à la précédente, resserrant ou écartant subtilement la ligne blanche naissante. L’espace blanc se structure différemment en fonction de l’évolution du trait noir : c’est un véritable mécanisme qui se met en place. Les lignes, noires et régulières, se juxtaposent les unes aux autres. Elles se condensent à certains endroits, sans jamais vraiment se toucher. En naissent des zones de relief. Ces sortes de vibrations, créées par un total hasard, rythment l’œuvre. Le mouvement est varié et spontané, la direction des lignes changeant en fonction du ressenti de l’artiste une fois le pinceau en main.
Au cours de la création, Chris Pillot ne travaille que sur une petite partie visible de la toile. Ce n’est qu’à la fin, en déroulant la toile dans son intégralité, que l’œuvre dans son ensemble s’impose. « Il en résulte alors ce que chacun, avec sa propre histoire et son propre regard sur les choses, veut y voir. C’est comme un ensemble d’ondes créant des références à ce que l’on connait, à ce qui existe dans le concret et même à ce qui est comparé à de la matière », explique-t-elle. De l’abstrait, nait quelque chose d’à la fois solide et mouvant. Les lignes bougent dans le temps et se matérialisent comme la structure des choses. Tout ce qui est invisible finit par construire une unité solide.
« Now Is Gone » s’inscrit dans la continuité de « Weaving », où l’artiste exploite déjà la création d’un mouvement constant, l’accumulation des lignes formant une sorte de tissage. Le spectateur se trouve face à un organisme en évolution permanente.
Avec « Now Is Gone », l’artiste adopte à nouveau la peinture au pinceau, mise un temps de côté pour « Weaving » et « Homotéthie » alors réalisées à la mine Acrylique Molotow. Au-delà de sa portée philosophique, le travail de Chris Pillot pour « Now Is Gone » témoigne d’une précision parfaite, où l’artiste s’investit pleinement dans l’œuvre. « Rien n’est prémédité, tout est vécu en rapport avec mon présent qui change en permanence en fonction de ce que je fais, de comment j’agis », ajoute Chris Pillot. A travers cette nouvelle série abstraite, sorte de retranscription du yin et du yang, l’artiste poursuit son interrogation sur la structure et l’évolution de l’univers dans son ensemble.
Celine Tridon, Journaliste